Médaillon
Il est de bon ton que le dernier vers d'un sonnet soit un trait d'esprit. On l'appelle chute ou pointe.
Avec le quasi-sonnet, on peut choisir d'isoler ce vers en forme de médaillon.
Mallarmade
Chaque jour que Dieu fait, fît-il chaud, fît-il froid,
de la chambre au salon, j’arpente mon F3.
Je m’y emmerde, hélas, et j’ai lu tous les livres :
Tintin, Gaston Lagaffe, Astérix et Spirou.
Il m’arrive souvent, surtout quand je m’enivre
à la tombée du jour, d’éprouver quelque effroi.
Surfer sur Internet est un chemin de croix.
Philosophiquement, comment puis-je encor vivre ?
Dussé-je des lettrés essuyer le courroux,
je ne vois rien de mieux pour soigner ma félure
que ces Edens austraux peuplés de kangourous.
Que n’ai-je encor vingt ans pour hisser la voilure !
On s’ennuie tellement à Nogent-le-Rotrou.
Hippogriffes
Oncques Loulou ne se les roule,
dans son cottage à Saint-Marcouf,
il élève des hippogriffes
et quelques marsupilamis
pour les besoins du cinéma.
Il ignore les états d’âme.
Aussi passionné qu’équanime,
il chouchoute ses hippogriffes.
Sur le tournage il achemine
sa dégaine de countryman
et joue parfois au backgammon
avec un perchiste ouolof.
Je sais de bien plus mornes tafs !
Soleil gris
Ciel jaunâtre, soleil gris
je souffre sous la lucarne
Écrasé par la touffeur
Mais pourquoi me sens-je darne ?
Sous l’ignoble pesanteur
L’univers se désagrège
Je m’interroge : – Mais qu’ai-je ?
Vite, un antidépresseur !
Dans la brume qui s’acharne,
soudainement rabougri,
mon cerveau se désincarne.
Cette fois j’ai tout compris :
plus jamais d’alcool de riz !
Diabolo mante
Dans un bout de campagne, oublié rue Malherbe,
envahi de cigües et de faux aloès,
avance à pas feutrés la tigresse de l’herbe.
Un bourdon s’en alarme et vrombit S.O.S !
Un lézard boulimique hésite dans la sente :
— Ce bel insecte vert est bien appétissant,
mais sa patte de fauve, un tantinet tranchante,
peut porter préjudice au reptile innocent.
Qu’il se méfie le brave. À l’ombre des ombelles,
abeilles, papillons, criquets et coccinelles
à tout instant se font occire. Apparemment,
rien ne peut assouvir la vorace ostrogothe.
La mante, après l’amour, dévore son amant.